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Jean Fourastié // Philippe Herlin

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Karl Lagerfeld portait le gilet jaune en 2008, avec dix ans d'avance naturellement 

Hommage aux classes moyennes. Bien qu'elles ne séduisent plus personne, jalousées d'en bas et méprisées d'en haut, elles représentent pourtant l'ultime trace d'un rêve passé dont l'avenir n'est jamais advenu : Trente Glorieuses qui durèrent vingt ans, période extraordinaire où les " masses " s'élevaient en bloc et partageaient une impression de richesse et un rêve de progrès ; ce temps passé où chacun était persuadé et satisfait d'être " moyen ". Ce temps semble très loin derrière nous. Je me souviens qu'il était ridicule de parler de ses ancêtres glorieux ou de ses parents prolos - seule la réussite de tous au moment présent (ou dans un avenir proche) importait. Mais ce n'était qu'une parenthèse : tout nous replonge désormais dans l'idée d'une société de classe, d'une génétique des élites. Depuis, ce sympathique individu moyen s'est fait ridiculiser par les géants du cinéma et les nains de la politique. Il y a désormais les winners urbains, les losers périphériques, les outsiders dans une banlieue qui n'est plus un entre-deux mais un " dehors ". Il buono, il brutto, il cattivo. Qu'il est loin le temps où la France rurale s'installait dans les HLM, le sourire aux lèvres, sachant qu'il s'agissait du premier étage de l'ascenseur social. Une seule chose reste partagée : le sentiment d'effondrement.

Relisant Jean Fourastié, l'économiste Philippe Herlin (twitter), dans un ouvrage publié par Eyrolles, plus sérieux que ne le laisse entendre son titre racoleur (Pouvoir d'achat - le grand mensonge) fait un simple calcul, celui qu'effectuait Fourastié et que j'aime également pratiquer : " valeur réelle = prix de l'époque / salaire de l'époque ". Fourastié choisissait le salaire moyen, Herlin prend le SMIC. Un peu trop idéologique à mon sens. Personnellement, je préfère le salaire médian (mais c'est plus compliqué à obtenir). Tout cela pour dire que la mathématique élémentaire de Philipe Herlin relate bien ce que tous les ex-moyens ont encore en mémoire : la vie s'améliorait jusqu'au milieu des années 1970, puis tout se dégrade de diverses manières. Loin de la politesse convenue de l'INSEE dans sa définition du "niveau de vie", il ajoute simplement l'immobilier. Ce n'est pas rien. Mais le plus sympathique pour les amateurs d'histoire du quotidien réside dans une foule de diagrammes en bâtons donnant l'évolution de la valeur des produits les plus banals = : inévitable machine à laver, improbable camembert, délectable champagne... Tout y passe, et l'on y apprend pourquoi le prix du poulet chute alors que celui d'une séance chez le coiffeur reste inchangée. On y découvre la tension entre le progrès technique, la vente en masse, le nombre de travailleurs, la triste et peu rentable exportation de la chaîne de production, la fausse et contre-productive concurrence organisée, etc. Tout ceci est loin "de l'offre et de la demande". Malheureusement, dans cet ouvrage, il est peu question de mobilier ou d'architecture, mais l'on connait ici cette histoire qui est finalement la même ! Un seul oubli, monstrueux : la question de la normalisation...


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